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Les rappeuses prennent leur place sur la scène hip hop nantaise

Actualités Publié le 13 septembre 2022

Portées par le Summer Camp, un stage de création musicale dédié aux femmes et aux personnes issues des minorités de genre, les rappeuses nantaises s’emparent (enfin) du micro.

Le collectif XXFly s’est formé après le premier Summer Camp ©Margaux Martin's
Le collectif XXFly s’est formé après le premier Summer Camp ©Margaux Martin's

Elles sont douze à poser leurs textes sur une instrumentale de la beatmaker F6NA. Douze rappeuses amatrices, originaires de Loire-Atlantique, membres de la deuxième promotion du Summer Camp. Leur production, captée en vidéo, est l’aboutissement de cinq jours de travail dans les studios de Trempo début juillet. « Avant de faire de la scène, il faut savoir rapper et cela passe par des basiques : atelier d’écriture, d’interprétation et partage de connaissances sur le rap », indique Pumpkin, coordinatrice du Summer Camp. La rappeuse est à l’initiative de ce stage dédié aux femmes et aux personnes issues des minorités de genre. « En 2019, j’ai fondé un club de rap non-mixte car j’en avais assez du manque de représentation féminine dans ce milieu et je voulais agir concrètement. L’idée du La.Club, c’est d’aller chercher toutes les filles du coin qui rappent dans leur chambre et vont timidement dans les open mics (scènes ouvertes hip hop, NDLR) sans oser voir plus grand. Trempo a mis à disposition un studio pour nos réunions mensuelles et nous avons lancé le Summer Camp en 2021. Pour chaque édition, nous retenons 12 profils sur une vingtaine de candidatures avec la volonté de créer une dynamique de groupe. »

« Créer des liens avec d’autres artistes »

Parmi les stagiaires de cette édition 2022 : Shadéblauck. Originaire d’Évry en région parisienne, la rappeuse de 28 ans est arrivée à Nantes en 2020. Artiste polyvalente, « je chante, je rappe et je dessine », elle a repris la musique il y a quatre ans après « un burn out » au conservatoire. Son titre Bambara, enregistré pendant le Summer Camp, évoque ses racines maliennes. « C’est la langue de ma mère et je regrette de ne pas la connaître. Dans ma musique, je parle de ce triangle d’identités - française, malienne, nigériane - avec, derrière, la question du colonialisme. » La jeune femme, qui a participé aux auditions régionales des iNOUïS du Printemps de Bourges début 2022, souhaite se professionnaliser. Sa semaine au Summer Camp lui a permis d’enrichir ses connaissances sur la culture hip hop. « Les intervenantes - KT Gorique, F6NA, Fanny Polly - étaient géniales. C’est important de savoir où tu te situes dans cette culture avec cette notion d’héritage. On reçoit des conseils sur l’interprétation mais aussi des informations sur le droit de la propriété intellectuelle. Et ça m’a permis de créer des liens avec d’autres artistes nantaises. »

Un enthousiasme partagé par Fée, 19 ans, plus jeune stagiaire de la promotion. Cette étudiante en licence de philosophie, doublée d’un parcours musique, est également une artiste touche-à-tout. « Je fais de la guitare, de la musique assistée par ordinateur et j’écris du slam et du rap », précise celle qui a participé début juillet au festival des jeunes talents nantais SPOT. Le Summer Camp lui a « beaucoup apporté sur le plan émotionnel ». « J’ai l’habitude de faire de la musique de mon côté et là-bas, j’ai pu rencontrer des personnes qui apprécient ce que je fais et ont apporté leur regard. Nous avons créé un écosystème féminin et queer que je n'avais jamais connu ailleurs. Ça nous rend légitimes et nous fait comprendre que nous ne sommes pas constamment obligées de nous battre pour assumer notre place. » 

Douze stagiaires étaient réunies dans les locaux de Trempo début juillet ©Margaux Martin's
Douze stagiaires étaient réunies dans les locaux de Trempo début juillet ©Margaux Martin's

« On nous donne plus facilement le micro »

L’aventure collective se poursuit après le Summer Camp. À l’automne 2021, cinq stagiaires de la première édition - Skar Leina, Supanova, Eris, Double C, Le Mago - ont co-fondé le collectif XXFly avec Shadéblauck. « On se soutient et on propose à d’autres rappeuses de se produire avec nous. En arrivant en force dans les open mics, on nous donne plus facilement le micro alors qu’avant il fallait se bagarrer. En tant que femme, on a l’habitude d’être moins prises au sérieux. Ce n’est pas spécifique au rap : nous sommes conditionnées à se faire petites et à s’excuser d’être présentes. En se retrouvant ensemble, on fait exploser ces codes. » Le collectif se produira le 17 septembre au Loroux-Bottereau dans le cadre du festival Echo et le 7 octobre à Décadanse (ancienne scène Michelet). Shadéblauck prépare un clip, dont la sortie est prévue fin novembre, et sera sur la scène de Trempo le 8 décembre avec Chaleur Tournantes. De son côté, Fée compose pour des artistes rencontrées dans le cadre du Summer Camp et développe « un concept album » qu’elle aimerait sortir « dans les prochaines années ».
Le Summer Camp, lui, fait des petits à Saint-Brieuc, Marseille ou encore Meaux. « La scène rap nantaise a beaucoup changé en trois ans, le La.Club et le Summer Camp ont contribué à transformer la dynamique locale, observe Pumpkin. Il y a encore beaucoup de travail mais plus on fera en sorte que les femmes se sentent suffisamment fortes pour s’emparer de ces espaces, plus les choses bougeront. »